lundi 17 mai 2021

Ton visage, ton visage, Seigneur !


Antienne d'introit Exaudi Domine du dimanche après l'Ascension :

Seigneur, écoute ma voix, avec laquelle j'ai crié vers toi, alleluia.

C'est à toi que mon cœur a dit : j'ai cherché ton visage, ton visage je le chercherai, Seigneur. Ne détourne pas ta face de moi, alleluia, alleluia !

Verset : Le Seigneur est ma lumière et mon salut, de qui aurai-je crainte?


Question subsidiaire : Ce qui précède étant la parole de Dieu, de qui viennent les paroles de ceux qui invitent à se voiler la face et à vivre dans la peur ?

mercredi 5 mai 2021

Dépasser Vatican II

Ceci est la traduction d'un article paru en anglais ici le 3 mai 2021.


Dépasser Vatican II

Comment résoudre un problème tel que Vatican II ?

Bien qu'elle ne soit peut-être pas aussi accrocheuse que le fameux air de la Mélodie du bonheur, cette question est beaucoup plus complexe que d'essayer de marier la future baronne Von Trapp. Les catholiques ont débattu du concile depuis avant même qu'il ne fût terminé en 1965. Alors qu'il avait pour but de propulser l’Église dans le monde moderne, il ne fait aucun doute que Vatican II et la question de son interprétation correcte ont été le sujet le plus clivant dans l’Église contemporaine - et le débat qui fait rage ne fait pas mine de se tasser. Pourtant, il serait peut-être temps de dépasser le concile.

Pour les catholiques libéraux, Vatican II représente la liberté ; plus précisément, la liberté vis-à-vis du passé. Au lieu d'être liée aux dogmes et aux pratiques des générations précédentes, Vatican II a donné à l’Église l'opportunité de briser ces chaînes et de bâtir une nouvelle Église pour des temps nouveaux. Depuis le rejet de l'enseignement de l’Église sur l'immoralité de la contraception artificielle, jusqu'au plaidoyer pour les femmes prêtres, les catholiques de conviction libérale sont essentiellement devenus des protestants, façonnant leurs propres croyances - quitte à être en contradiction directe avec les enseignements antérieurs de l’Église - tout cela, bien entendu, dans l' « esprit de Vatican II ».

En réponse à cette aberration post-conciliaire, beaucoup de catholiques conservateurs ont réagi en embrassant ce que le pape Benoît XVI a appelé l' « herméneutique de la continuité ». Le pape entendait par là que Vatican II devait être interprété d'une manière cohérente avec les 1960 années précédentes de la Tradition catholique (« herméneutique » n'est qu'un mot sophistiqué qui signifie « méthode d'interprétation »). En d'autres termes : ne lisez pas la Tradition à la lumière du concile ; lisez le concile à la lumière de la Tradition.

C'est là un conseil solide et catholique. Les conciles œcuméniques ne sont pas de nouvelles révélations du Ciel qui supplanteraient les révélations antérieures. Ils sont une part organique de la vie continue de l’Église, et doivent donc être traités comme une partie d'un ensemble plus vaste, pas comme une rupture dans une nouvelle direction.

Hélas, ce principe catholique tout à fait acceptable de l' « herméneutique de la continuité » (HdC) s'est transformé aujourd'hui en quelque chose de moins catholique. Au lieu d'être utilisé pour replacer Vatican II dans une perspective historique, il a fait de Vatican II exactement le « superconcile » que l'herméneutique était censée empêcher. Plus précisément, il est devenu un bâton pour battre quiconque ose critiquer le concile lui-même.

Par exemple, si un catholique suggère que, peut-être, certains passages de Vatican II sont tellement mal rédigés qu'ils peuvent conduire facilement les gens vers l'hérésie, la brigade HdC surgit pour défendre le concile : « Si on lit cela en continuité avec l'enseignement catholique, alors cela ne peut pas être compris de manière hérétique ! ». C'est peut-être vrai pour des théologiens qui connaissent toutes les nuances de la doctrine catholique, mais cela ne veut pas dire que la rédaction n'est pas médiocre et confusionnelle.

Ou bien, si un catholique relève que le concile met un accent exagéré sur les aspects positifs des autres religions, sans prendre en compte leurs défauts, la brigade HdC démolit ces critiques, en expliquant que ces déclarations doivent être contrebalancées par les enseignements antérieurs. Là encore, tout cela est bel et bon pour des intellectuels qui connaissent cette histoire en profondeur, mais le catholique moyen prend cet accent nouveau comme le signe que nous ne devrions plus mentionner les erreurs des religions non catholiques. En d'autres termes, il est parfaitement légitime de noter que Vatican II donne une vision déséquilibrée.

Pourtant, la seule pensée de critiquer le concile fait blêmir bien des catholiques fervents et orthodoxes. Comment cela pourrait-il jamais être convenable de critiquer la plus haute autorité (aux côtés du pape) dans l’Église ? Pour calmer ces inquiétudes, laissez-moi partager une citation de Joseph Ratzinger, l'homme qui devait devenir le pape Benoît XVI :

« Chaque concile valide dans l'histoire de l’Église n'a pas été un concile fructueux ; en dernière analyse, beaucoup d'entre eux ont été une perte de temps ».

Ces mots peuvent choquer les sensibilités catholiques ; ils semblent presque émaner du clavier d'un militant anticatholique numérique, pas d'un futur pape. C'est pourtant une interprétation objective de l'histoire.

Les catholiques doivent admettre que parfois les conciles réussissent, et que parfois ils échouent. Une méprise répandue parmi les catholiques est que l'Esprit Saint guide chaque aspect des conciles œcuméniques, et que, par conséquent, tous les conciles sont des succès. Ceci n'est pas l'enseignement catholique. Le Saint Esprit agit d'abord comme un protecteur - il protège le dépôt de la foi en s'assurant qu'aucun concile ne peut définitivement déclarer une hérésie comme une vérité catholique. C'est une protection négative, pas positive.

Cela dit, il est vrai que le Saint Esprit peut guider un concile (et Il le veut!), mais les pères conciliaires ont la liberté d'accepter ou de rejeter ce guide - exactement comme tous les hommes disposent de cette liberté en toutes choses.

Au début du XVIe siècle, alors que l’Église avait désespérément besoin d'une réforme, le pape Jules II convoqua le cinquième concile de Latran. Malheureusement, le concile échoua. La réforme qu'il recherchait n'a pas pris, et sept mois après la clôture du concile, Martin Luther publia ses 95 thèses, à l'origine de la réforme protestante. Cela n'a pas fait de Latran V un concile invalide ; c'était seulement un concile sans conséquences (ou une « perte de temps », comme dirait Ratzinger).

Si des conciles entiers peuvent réussir ou échouer, la même chose est vraie des documents individuels des conciles. Parfois ils sont utiles, parfois ils ne le sont pas.

Si nous refusons de reconnaître que les conciles légitimes - et les documents légitimes des conciles - peuvent échouer dans leur mission, nous agissons comme les membres d'un culte qui blanchissent et réécrivent l'histoire dans un effort pour inciter le monde à croire que l’Église n'a jamais commis de tel faux-pas. Conçu, peut-être, comme un effort bien-intentionné pour défendre la bonne renommée de l’Église, en réalité il s'agit d'une attaque contre ce don de Dieu qu'est notre raison.

Les catholiques doivent aussi admettre que tous les conciles sont ancrés dans l'époque en laquelle ils se sont tenus. Cela ne change la vérité d'aucune des déclarations dogmatiques qu'ils prononcent, mais cela nous autorise à interpréter correctement - voire, plus tard, à potentiellement rejeter - leurs conseils pratiques et leur vision du monde contemporaine, lorsqu'ils ne sont plus pertinents. Il ne fait aucun doute que la manière dont les pères conciliaires de Vatican II ont vu et interprété le monde était lourdement influencée par une vision du monde (essentiellement occidentale) des années 1960. Par exemple, rétrospectivement, une grande partie du concile semble excessivement optimiste quant au progrès du genre humain, particulièrement à la lumière de la façon dont le monde est passé à une culture nihiliste de mort et d'illusion depuis cette époque.

Plus encore, le « ton » d'un concile dépend généralement de son milieu contemporain. Les sujets sur lesquels un concile met l'accent - ou qu'il ignore - reflètent une certaine vision du monde, qui peut ne plus être appropriée pour les générations futures. Comme je l'ai mentionné précédemment, Vatican II s'est focalisé sur les éléments positifs d'autres religions, sans jamais mentionner leur erreurs. Cette décision était peut-être compréhensible, alors que le concile faisait suite à l'horrible holocauste d'un peuple d'une seule religion. Dans le monde d'aujourd'hui, cependant, quand la plupart des gens - incluant la plupart des catholiques - sont indifférents à la religion, le besoin de distinguer entre les religions est d'une importance primordiale.

Alors, comment les catholiques devraient-ils aborder Vatican II ? D'abord, pour être clair, ceci n'est pas un appel à « rejeter » Vatican II ou à le déclarer hérétique. C'est un appel à cesser d'être menottés à ce concile, à le dépasser. Trop souvent nous avons connu des débats binaires à propos de Vatican II : vous devez soit le suivre servilement (ou, plus précisément, en suivre une certaine interprétation servilement), soit le rejeter complètement. Nous avons besoin de mettre Vatican II dans la bonne perspective - aussi bien le bon que le mauvais - et arrêter de voir tout problème à travers une lentille Vatican II. Peut-être que le concile n'a pas la réponse à nos problèmes ; ou, de manière encore plus controversée, peut-être que la solution de Vatican II n'est pas la solution adaptée pour aujourd'hui.

Aussi bien les libéraux que les conservateurs catholiques ont fait de Vatican II la raison d'être du catholicisme moderne, la lentille à travers laquelle toute la foi est appréhendée. Cette pratique a transformé le concile en un albatros, enchaînant les catholiques à des idées et des pratiques inefficaces et dépassées.

Les catholiques n'ont pas besoin d'être les membres d'un culte, essayant désespérément de sauver la face en défendant chaque iota et chaque titre de Vatican II. Nous pouvons admettre que nous avons des conciles dans notre passé qui, malgré leurs bonnes intentions, n'ont pas fonctionné comme espéré, ou dont les conseils pastoraux et la vision du monde ne s'appliquent tout simplement plus à nous. Face aux (semble-t-il innombrables) problèmes d'aujourd'hui, nous devrions nous concentrer sur les points de notre Tradition qui ont fonctionné, et les embrasser de nouveau, pour le bien de l’Église et le salut des âmes.

Par Eric Sammons.

Traduction: Le Clocher de Saint Romain