samedi 26 septembre 2020

Prier est-il un crime ?

"Ils ont voulu nous enterrer, mais ils ne savaient pas que nous étions des graines" (proverbe mexicain)

 

Prier est-il un crime ?

Pour certaines personnes qui se présentent étrangement comme chrétiens, cela semble être le cas, comme nous le montre l'histoire qui suit.

Un prêtre à la retraite, qu'on avait privé de ministère, était rentré dans son village natal. Nous étions alors en pleine période dite de "confinement" (que l'Histoire retiendra plutôt sous le nom de "Grande psychose collective de 2020", mais c'est un autre sujet).

Une petite chapelle au milieu des champs

Il y avait à proximité de ce village une chapelle, consacrée à Notre Dame, dont les fondations remontaient à la nuit des temps. On n'y avait plus célébré de messe depuis deux ans peut-être, et elle n'était plus officiellement utilisée que pour un concert annuel. Sa porte restait cependant ouverte pour tous ceux qui voulaient y prier, ou simplement la visiter.

Notre prêtre, réduit à la solitude en tête à tête avec le Seigneur, en fit sa demeure spirituelle. Il y célébra l'eucharistie et y installa le Saint Sacrement. Quand il fut de nouveau possible de se déplacer, des fidèles de son ancienne paroisse vinrent lui rendre visite régulièrement, bientôt rejoints par quelques locaux attirés par le bouche à oreille, et la chapelle devint peu à peu un lieu de prière : messes quotidiennes, chapelets, nuits d'adoration, procession de la Fête-Dieu, départ de pèlerinage... 

Les dimanches, la sortie de la messe s'accompagnait de rires d'enfants, et à l'intérieur, où résonnaient des chants joyeux ou profonds, on pouvait y prier de tout son cœur, loin de la folie du Monde. On en sortait ressourcé, le système immunitaire renforcé contre tout mal physique ou moral.

L'attaque du Kandirathon

Tout cela ne pouvait pas durer. Dans le village, quelques bien-pensants s'effarouchèrent de ce que ce lieu de patrimoine avait été transformé en lieu de culte. Ils écrivirent courageusement des lettres anonymes à la mairie pour s'en plaindre.

Du côté de la paroisse, le nouveau curé (régnant sans partage sur un empire de 17 clochers vides, et désireux de le conserver intact), décida qu'on ne pouvait tolérer aucune initiative locale et que notre prêtre devait rentrer dans le rang. A savoir : soit se mettre à disposition de la paroisse pour aller "boucher les trous" ça et là, soit rester chez lui, mais en aucun cas commettre l'outrecuidance de faire vivre un lieu de prière permanent.

Quelques naïfs tentèrent bien de faire comprendre au curé que la présence continue d'un prêtre dans un lieu de prière ouvert à tous, au carrefour de plusieurs paroisses, pouvait être bénéfique de manière générale à l'évangélisation de toute la région, mais il repoussa ces faibles arguments avec une morgue spectaculaire.

C'est qu'il existait quelque chose que notre curé craignait par dessus tout : le grand Kandirathon. Ce puissant trouble-fête se manifeste à tout moment dans les villages sous la forme de persiflages, de jalousies et de délation (le sport national du moment). La simple idée que le Kandirathon pût surgir dans sa paroisse remplissait le curé de terreur et l'incitait à prendre les mesures les plus énergiques pour s'en prémunir.

La volonté du Kandirathon supplantait donc en toute chose celle de Dieu, et par conséquent le moindre ragot justifiait d'anéantir toute manifestation de la foi chrétienne, si cela pouvait éviter des démarches fastidieuses. Il est vrai qu'il est plus facile (et moins fatigant) de persécuter cent justes que de tenir tête à un seul méchant.

Réconciliation du trône (municipal) et de l'autel

Le curé décréta donc que la chapelle n'était "pas un lieu de culte", sans préciser toutefois ce qu'il comptait en faire d'autre (baraque à frites ? discothèque ? entrepôt logistique ?). Il téléphona au maire du village avec qui il convint, entre gens raisonnables, que cette histoire de prier dans une chapelle n'était pas acceptable, et qu'on allait en finir. Les clés du bâtiment furent confisquées et la porte verrouillée.

Et ce même jour, le curé et le maire devinrent amis, comme Hérode et Pilate en leur temps, après la condamnation du Christ (Luc 23, 11-12).

En outre, le pauvre prêtre fut sommé de cesser toute eucharistie, adoration, bénédiction, chapelet, procession, pèlerinage ou apéro, sous peine d'être livré aux tribunaux ecclésiastiques. 

Trop tard, le bien était fait

Voilà certes beaucoup d'émoi pour quelques fidèles priant dans une chapelle perdue au fond de la campagne. On discerne difficilement ce que les accusateurs ont gagné dans l'affaire ; on voit davantage ce que les amis de Dieu y ont perdu.

Toutefois, on aurait tort de n'y voir qu'une histoire triste, car souvent l'Espérance est un fruit sucré qui se cueille au creux des plus amères défaites.

Or durant ces quelques semaines où l'on avait pu, presque en catimini et à l'insu des puissants, louer le Seigneur entre personnes de bonne volonté, des amitiés s'étaient créées, des liens s'étaient noués chez ceux-là qui ne se connaissaient pas auparavant, et qui avaient découvert qu'il existait d'autres cœurs sincères, d'autres brebis au milieu des loups.

Ils n'étaient plus seuls, la graine était semée, et cette petite communauté n'allait pas disparaître de sitôt.

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